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Antoine Tarantino, Dessins et sentiments dans l'art de la céramique grecque

Quelle émotion de lire l'expression si proche de nous, de sentiments humains sur des céramiques grecques créées il y a plus de deux millénaires ! Antoine Tarantino, antiquaire spécialisé en dessins anciens et objets archéologiques, leur a consacré une partie de sa vie et de sa galerie, située - hasard ou coïncidence ? - dans le quartier de la nouvelle Athènes, à Paris. Il a accepté de répondre à quelques questions et de partager sa grande érudition nourrie de son profond amour pour cet art.



Vos activités en apparence très différentes - marchand de dessins anciens et expert en archéologie dans le domaine des vases grecs notamment – ont un point commun : le dessin.


Le dessin n’est pas seulement le premier jet de l’esprit sur le papier lorsque l’artiste imagine et conçoit une œuvre, c’est aussi le dénominateur commun entre différentes expressions artistiques : un vase grec, un dessin préparatoire pour un tableau, une fresque ou une gravure, les arts décoratifs… C’est de là que tout part.



Dans cette première interview, je vous propose d’aborder le décor des vases grecs antiques et de réserver les dessins anciens pour une seconde entrevue. Le dessin d’une céramique procède d’une intention différente de celle d’une œuvre préparatoire à un tableau, me semble-t-il.


Le dessin y est l’œuvre finale, à la différence des dessins anciens que j’expose conjointement dans la galerie et qui sont le plus souvent une étape intermédiaire vers une œuvre plus aboutie, comme un tableau ou une fresque. En revanche, quels que soient le support et l’intention de l’artiste, le dessin est toujours une expression personnelle. Sur un vase grec comme sur une œuvre sur papier, la manière de dessiner un œil, le lobe d’une oreille, des doigts permet d’identifier un auteur.



Cratère à figures rouges peint par le peintre de Berlin, Période Archaïque, vers 490 avant J.-C., Musée du Louvre



J’ignorais que l’on parvenait à identifier les artistes des vases grecs. Comment procède-t-on ?


Très peu de vases sont signés - au cours de ma carrière, seuls cinq ou six sont passés entre mes mains – et l’identification de l’artiste ou de son atelier est donc assez empirique. Quand ils ne sont pas signés, les vases sont expertisés selon la méthode de Morelli (Giovanni Morelli – 1816-1891 - critique d’art qui développa une technique d’expertise des œuvres d’art par l’analyse des détails) en étudiant certains détails stylistiques des figures représentées, comme le drapé, l’anatomie... Si on ne connaît pas le nom de l’atelier, on lui en donne un de convention correspondant au nom de la collection qui abrite le vase (Peintre du Louvre F6, Peintre de Berlin…), à une particularité iconographique (Peintre des Satyres laineux), etc... Cela permet de regrouper sous une dénomination tous les vases supposés provenir du même atelier.


La signature, quand elle existe, apparaissait sous la céramique ?


Non, sur l’objet lui-même, peut-être pour des raisons commerciales. Les ateliers avaient conscience que certains vases pouvaient mieux se vendre signés. C’est le cas de Nikosthénès, un potier attique du VIème siècle avant JC dont une grande partie du corpus a été retrouvée dans des tombes étrusques en Italie. Par erreur, on les a d’ailleurs qualifiés de vases étrusques au XVIIIème siècle. Ces vases étaient manifestement destinés à l’exportation et cet artiste avait semble-t-il compris l’intérêt d’apposer sa signature sur sa production. Par la suite, les étrusques ont copié ces vases. L’industrie de la contrefaçon en Italie n’est pas propre à notre époque !


Kylix attribué à Nikosthénès, Attique, Vers 510 av. J.-C., H 11,8 cm L 36 cm Diam 28,5 cm


La production des céramiques grecques couvre une très large période.


Oui, de 6500 (période néolithique) à 31 (époque hellénistique) avant JC, mais les céramiques les plus anciennes sont rares et les corpus découverts le plus abondamment démarrent à compter de la période géométrique entre 900 et 720 avant JC. Cette époque est suivie d’un style orientalisant très chargé entre 720 et 620 avant JC, puis de l’époque archaïque qui émerge en Corinthe puis à Athènes aux VIIème-VIème siècles avant JC, marquée par l’apparition des vases à figures noires. A la période classique, entre 500 et 300 avant JC, la production de vases à figures rouges voit le jour à Athènes avant de se déplacer plus tard en grande Grèce, d’abord en Lucanie. Dans cette région du sud de l’Italie, les premiers potiers étaient probablement des artisans attiques immigrés. Les vases étaient alors recouverts d’un très beau vernis dense, noir, luisant. Magnifique ! Plus tard, la qualité des vernis se dégrade, de même que les compositions : alors que les premiers artisans italiotes faisaient preuve d’une sobriété remarquable, un style dit « orné » se développe à partir des années 340 avant JC, notamment en Apulie sur les bords de l’Adriatique. Les riches décors de palmettes et de rinceaux font penser à un processus de « baroquisation » de la céramique !



Peliké à figures rouges, Peintre des Enfers, vers 360-340 av. J.-C., Apulie



Les décors ont considérablement évolué à travers ces différentes époques. Quand apparaît la figure humaine ?


Au VIIIème siècle avant JC, à la période géométrique, des personnages apparaissent. La production la plus célèbre est celle du Dipylon retrouvée dans le cimetière à Athènes. Ces grands vases monumentaux – certains mesurent plus d’un mètre de hauteur – servaient à marquer l’emplacement de tombes. Leur décor est essentiellement composé de motifs géométriques - zigzags, frises de grecques, languettes - dont quelques personnages animent la surface. Leur apparence est presque géométrique : torse triangulaire, tête très schématique… A cette époque, les scènes mythologiques commencent à apparaître elles aussi mais restent marginales. Petit à petit, les décors secondaires géométriques s’effacent, les vases se dépouillent de leurs détails foisonnants et les artistes parviennent à l’élégance qui caractérise la céramique attique du siècle de Périclès.


Maître du Dipylon, Cratère fragmentaire vers 750 av J.-C, Provenance Cimetière du Dipylon, Musée du Louvre




Vous avez évoqué le passage de la figure noire à la figure rouge entre les périodes archaïque et classique : ce changement marque une évolution stylistique majeure dans la production des vases grecs.


La figure noire est inventée à Corinthe au VIIème siècle avant JC et se développe ensuite à Athènes où l’amélioration des techniques de cuisson permet d’obtenir des figures d’un très beau noir brillant. L’expression des personnages est obtenue par incisions et quelques ajouts de couleurs, technique d’un maniement rigide qui aboutira à son abandon au profit de la figure rouge inventée à Athènes vers 530 avant JC. Cette technique qui consiste à représenter les personnages, laissés « en réserve », en orange (couleur de l’argile) sur un fond vernissé de noir, améliore le réalisme des scènes et simplifie le procédé. Les incisions, souvent rigides, qui marquaient jusque-là les détails des personnages (vêtements, détails anatomiques…) sont remplacées par des traits plus souples au pinceau, offrant une plus grande richesse de détails. Après l’apparition de ce nouveau style, la production de figures noires s’est maintenue un temps, sans doute pour une clientèle âgée habituée à ces représentations et s’est finalement éteinte à la faveur de la figure rouge. Pendant une courte période – quelques années tout au plus - des vases dits bilingues ont été produits, en particulier de belles coupes à boire, des kylix, dont le tondo central est orné en figures noires et l’extérieur en figures rouges. On connaît également des cratères bilingues avec un côté décoré en figures noires et l’autre en figures rouges.



Amphore bilingue, Peintre d'Andokidès, Achilles et Ajax jouant aux dés


Quelles sont les raisons de ces évolutions stylistiques ? Les échanges commerciaux, l’émergence d’un artiste qui pose un nouveau regard sur la production ?


L’invention de la figure rouge est attribuée par une majorité de spécialistes au peintre d’Andokidès. Il ne signait pas ses œuvres et on le désigne donc par le nom du potier pour qui il a travaillé.



Combien d’ateliers travaillaient à la production des céramiques ? Se situaient-ils tous à Athènes ?


A la fin de l’époque archaïque et à l’époque classique, les ateliers sont effectivement installés à Athènes, principalement dans le quartier du cimetière car ces vases étaient pour l’essentiel funéraires. Le terme « céramique » vient d’ailleurs du nom du cimetière du Kerameikos. Les ateliers y étaient assez nombreux, probablement des dizaines.



Le potier était-il également dessinateur ou ces fonctions incombaient-elles à des artistes distincts ?


Les deux cas de figure existaient.



Comment sait-on cela ?


Ce n’est pas facile à mettre en évidence mais certains vases ont été signés par un même artiste en tant que potier ou en tant que peintre. Par exemple, « Exékias epoíesen » (Exékias a fait) ou « Exekias egraphsen » (Exékias a peint) indique quand l’artiste Exékias a réalisé la poterie ou l’a peinte.


De même, l’un des plus grands représentants de la figure rouge, le peintre Euphronios, ne signe plus « egraphsen », mais « epoíesen » vers la fin de sa carrière, preuve qu’il a façonné des vases, sans les avoir peints. On pourrait alors en déduire que le potier était plus considéré que le peintre…



Cratère à calice attribué à Euphronios, VIème avant J.-C., Période archaïque, H 35 cm, Musée Antikensammlung, Berlin



Vous évoquez Euphronios, l'un des pionniers de la figure rouge. Les ateliers dont provenaient tous ces vases étaient plus ou moins réputés, j’imagine.


Bien sûr ! Il y avait de grands maîtres ou des ateliers dont la production était plus commune. Cela dit, certains ateliers de grands maîtres avaient aussi une production courante.



Comment étaient organisés ces ateliers ?


L’organisation peut être comparée à celle des grands ateliers de la Renaissance avec un maître et des apprentis qui entraient à un très jeune âge, puis évoluaient au gré de leur apprentissage. Souvent, le maître réalisait la face A de l’amphore ou du cratère – une scène mythologique par exemple - et laissait le soin à l’élève de peindre la face B, moins intéressante car moins exposée et donc moins décorée. C’était souvent des scènes plus banales, comme des éphèbes en conversation. On arrive maintenant à déterminer différentes périodes d’artistes : la phase juvénile puis la phase de maturité. Prenant son autonomie, l’élève passait des faces B aux faces A.


Cratère en cloche à figures rouges, Peintre de Creusa, vers 390 av. J.-C., Lucanie



Les vases décorés sont souvent funéraires, mais il existe aussi une production utilitaire, j’imagine.


Une production utilitaire existe aussi, bien sûr. Certaines céramiques grecques sont d’ailleurs ornées de scènes de la vie quotidienne sur lesquelles sont représentés des vases décorés. Des lécythes (vases contenant de l’huile parfumée), par exemple, apparaissent sur certaines scènes funéraires, où des personnages font des libations sur la tombe d’un proche disparu. Pour les banquets, des cratères et des coupes décorés circulaient parmi les convives. On a également retrouvé des hydries – vase à trois anses qui comme leur nom l’indique servait à transporter de l’eau – sur lesquels sont peintes des scènes de femmes faisant la queue à la fontaine pour remplir leur récipient, l’hydrie sur la tête ou posée à leurs pieds.



La quête de beauté et d’équilibre semble guider tous ces artistes.


Plus on avance dans le temps, plus les expressions du visage sont étudiées et justes. Les sentiments humains sont parfaitement exprimés.



Quelles sont ces émotions ? La tristesse ? La joie ?


La joie est moins représentée que la tristesse. Les scènes de funérailles comme la prothésis (scène d’exposition du corps sur un lit d’apparat où les pleureuses se livrent à un rituel de lamentation en levant les bras au ciel) sont fréquentes pour un art en grande partie funéraire. La peine peut aussi être représentée de façon plus intime, comme sur une amphore que j’ai eu l’occasion d’expertiser, mettant en scène Ajax portant le corps d’Achille et un personnage d’une indicible tristesse assis à leur côté. Sa peine était dépeinte avec une parfaite justesse, bien que réalisée par incisions sur des figures noires. Sur les figures rouges, l’impression de tristesse est plus facile à représenter en prononçant, au pinceau, le mouvement d’un sourcil ou de la bouche.


Coupe à figures rouges signée par le peintre Douris, Vers 490 - 480 avant J.-C., in Musée du Louvre



Quels autres sentiments sont exprimés ?


Des sentiments de joie et de plénitude très émouvants sur des représentations de naissance, où la mère tient son enfant dans les bras en souriant. Ces scènes pourraient être transposées telle quelle aujourd’hui. Les vases grecs ont quelque chose d’intemporel, comme la mythologie. Les scènes quotidiennes y sont très justes et nous touchent pour cette raison. J’entretiens la même impression de familiarité avec certains dessins anciens, dont l’absence d’afféterie accentue l’humanité : on participe presque à la scène dessinée !



L’humour existe aussi dans certaines scènes. Quoi de plus identificatoire que de percevoir la facétie d’un artiste ?


C’est une des raisons pour lesquelles les vases grecs sont si intemporels. On y retrouve l’humour tel qu’on le connaît aujourd’hui. La céramique grecque n’est jamais ennuyeuse ! Prenons une frise de chèvres à l’époque orientalisante : pour éviter l’ennui que produirait une succession identique d’animaux, l’artiste dessine une chèvre qui se tourne vers l’arrière pour voir ses congénères. Il rompt ainsi la monotonie pour ses clients, mais aussi peut-être pour lui-même.



Pensez-vous que les peintres travaillaient parfois d’après modèles vivants ?


Oui, on peut l’imaginer. A l’apparition des figures rouges, les lignes s’assouplissent et les personnages adoptent des poses et des expressions plus réalistes. On sent que les artistes ont bien observé les drapés et le corps sous-jacent avant de les reproduire. Sur le dessin préparatoire des figures rouges, le personnage est nu alors qu’il est destiné à être habillé. L’artiste considère donc l’anatomie, le corps avant de le vêtir. On retrouve ce processus, bien plus tard, chez le peintre David qui dessinait les personnages nus avant de les habiller, fait peu étonnant pour un peintre néo-classique.


Coupe attique à figures rouges représentant Héphaïstos mené par Dionysos avec quatre satyres attribuée à Douris ou au peintre de Londres E 55, vers 470-460 av. J.-C., H 11,8 cm, diam. 32 cm. BNF, Monnaies, Médailles et Antiques.



Vous évoquez des dessins préparatoires...


Si l’on regarde de près les vases à figures rouges, on remarque dans la partie laissée en réserve un tracé très sommaire, très rapide probablement fait avec le dos du pinceau, qui permettait à l’artiste de placer les personnages dans l’espace. C’est un des moyens utilisés par les experts pour authentifier un vase, même si évidemment l’astuce est désormais connue des faussaires ! Caravage lui aussi intervenait directement sur le support en faisant des incisions dans la préparation.



Ce croquis composé de quelques traits réalisés directement sur la céramique nécessitait une grande dextérité de la part de l’artiste.


Oui, ils n’avaient pas le droit à l’erreur ! Aucun repentir n’était possible.



Les dessins étaient-ils créés en série ?


Au sein des grands ateliers, une production d’exception – des scènes mythologiques complexes sur de grands vases par exemple – destinée à un marché de luxe côtoyait une production plus courante, comme des séries de lécythes avec des personnages stéréotypés de moindre raffinement. D’un atelier à l’autre, on peut aussi trouver des déclinaisons d’une même typologie de représentation, comme le départ du quadrige de profil ou de face par exemple.


La plupart des vases que l’on trouve sont des vases de série. Les chefs d’œuvre sont rares. Un des plus beaux vases grecs qu’il m’ait été donné d’avoir était un petit lécythe à parfum aryballisque dont la scène représentait un satyre soulevant par surprise le chiton d’une ménade endormie. C’était une scène rarissime d’une qualité exceptionnelle. Les scènes érotiques sont souvent égrillardes et de piètre qualité artistique ; c’était là l’œuvre d’un grand artiste.



Comment étaient réalisées les séries ?


J’imagine qu’un potier ou un peintre créait un vase au gré de sa fantaisie et que ce vase, en fonction du succès qu’il rencontrait, était ensuite copié par les ateliers voisins.



Art et commerce se conjuguaient parfaitement !


Au VIème siècle avant J.-C., le marché de la céramique attique prospère et les ateliers exportent des vases grecs, en Etrurie notamment. C’est un marché très florissant. Les corinthiens dont les vases orientalisants avaient rencontré un large succès commercial au VIIème siècle ont décidé de copier la production attique. Problème : leur argile était de couleur ivoire et non orange comme à Athènes. Pour concurrencer la céramique attique, ils ont donc décidé, sans grand succès, de la recouvrir d’un jus composé d’oxydes métalliques pour le rendre orange !



Les couleurs étaient obtenues à partir d’oxydes ?


Le peintre passait un jus incolore à base d’oxydes sur son vase tourné et séché au soleil, mais pas encore cuit ; il voyait à peine les couches peintes. C’est à la cuisson, qui se déroulait en trois phases oxydante, réductrice et réoxydante, que les couleurs apparaissaient. Par cette alchimie, la différenciation des couleurs se créait. Les incisions sur les figures noires se faisaient également avant cuisson.



On évoque ici les figures noires sur fond rouge et les figures rouges sur fond noir, mais il existe aussi des vases à fond blanc.


C’est une catégorie de vases - souvent des lécythes - qui m’intéresse particulièrement en tant qu’amateur de dessin. Les potiers obtenaient ce blanc grâce à un engobe posé avant cuisson qui était ensuite recouvert d’un vernis dilué. Ces vases décorés de figures réalisées au trait ensuite remplies de couleur sont les plus proches des dessins anciens que j’aime tant.



Lécythe à fond blanc, peintre de New-York, vers 430 avant J.-C., musée du Petit Palais, Paris

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Les peintres utilisaient des pinceaux. Sont-ce des pinceaux tels qu’on les connaît aujourd’hui ?


On suppose que oui mais les chercheurs n’ont pas encore tout compris de ces techniques. On voit des traces de pinceau, notamment pour le remplissage des grandes zones noires. Pour les traits des détails des figures rouges, était-ce un petit pinceau, quel genre de poils ? Je crois que ces questions sont pour l’instant sans réponse.



Pour nos yeux contemporains, la céramique attique est très graphique. La mise en scène était elle aussi très étudiée.


Une chose me frappe dans la céramique grecque : la parfaite adéquation entre l’attitude et la gestuelle des personnages à la forme du vase. Une même scène ne sera pas représentée de la même manière sur un tondo de coupe, une amphore, un cratère, un lécythe ou une hydrie. La composition est toujours adaptée à la forme de l’objet, qu’elle soit ovoïde comme une amphore ou plate comme un pinax, petit tableau votif que l’on déposait dans les temples en guise d’offrande. C’est un point important lors de l’expertise d’une céramique. Lorsqu’il y a un déséquilibre ou un manque d’harmonie entre la scène représentée et la forme de l’objet, cela doit attirer les soupçons.



Pinax à figures noires, vers 520-510 avant J.-C., 26x36,2x0.9 cm, Période archaïque, in Metropolitan Museum, New-York


Les artistes intégraient parfois une correction visuelle ?


Oui, quand l’artiste est doué, il parvient à intégrer des corrections optiques. Il joue avec la forme du vase, comme pour une sculpture destinée à être vue en contreplongée. Dans les musées ou chez les antiquaires, une tête sculptée est souvent présentée à hauteur d’homme, ce qui peut donner une impression de maladresse. C’est tout le contraire ! Le maladroit est plutôt celui qui l’a exposée sans prendre en compte l’angle sous lequel elle était regardée. Le soclage de ces objets nécessite réflexion pour être présentés dans le bon axe.



C’est tout l’art du galeriste de comprendre ces objets et de les magnifier. Que nous conseilleriez-vous pour découvrir ou redécouvrir la céramique grecque ?


Nous sommes particulièrement gâtés en France car les vases grecs ont été très à la mode au XIXème siècle et donc collectionnés. La galerie Campana au Louvre est une des plus grandes collections au monde par la variété et la qualité de ses vases. Si considérable que le Louvre a transféré certaines de ses pièces en dépôt vers des musées nationaux de province. Une autre collection admirable et importante dont on ne parle pas assez est celle du Petit Palais. Les frères Dutuit l’ont constituée au XIXème puis l’ont offerte à la ville de Paris. Il faut absolument la découvrir ! Je conseille aussi vivement de se rendre à Compiègne, voir la très jolie collection d’Antoine Vivenel dans un hôtel particulier du XVIIIème. Toutes ces collections sont de grande qualité mais présentent un inconvénient propre aux musées : vous ne pouvez pas toucher les vases, les retourner, comprendre la façon dont l’œuvre a été tournée, montée... Pour cela, il faut se rendre dans les galeries d’archéologie, pas seulement la mienne mais bien d’autres, qui sont parfois de véritables musées !



Des pièces à des prix abordables, m’avez-vous dit.


Oui, pour quelques centaines ou milliers d’euros, vous pouvez acquérir une belle voire très belle pièce d’archéologie, ce qui reste très raisonnable en comparaison avec l’art contemporain. Il faut pousser la porte des galeries ! L’antiquaire se fera une joie de vous conter l’histoire de ses objets.


Coupe à figures rouges, Art grec Attique vers 480 av. J.-C.

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